La fée jaune
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J’ai
fait le rêve d’un été meurtri et angoissant. Cet été qui me hante encore
parfois quand le sommeil ne veut pas me consoler de mes fatigues journalières.
J’ai fait un rêve sur fond noir où plus rien n’existe.
Il n’y a que l’invisible sol et l’air. Je suis triste au milieu de nulle part. Mon cœur ne bât plus, il saigne. Des petites fées lumineuses et jaunes approchent et s’agitent autour de moi. Elles volent par à-coup comme des insectes. Je les salue d’une révérence. L’une d’elle s’approche très près de mes yeux, éclairant de son aura mon visage. Elle observe ma pupille puis colle ces deux petites mains sur mon iris pour mieux voir le fond de moi œil. Elle pousse un petit cri de désolation très enfantin puis retourne parmi les autres. Elles tournent maintenant autour de moi, agitant leurs baguettes pour m’envelopper d’une pluie fine de poussière. Cette drôle de neige scintillante m’éblouit et m’étourdit. Une fois toute la poussière retombée et ma vue dégagée je me retrouve seule. Une porte apparait devant moi.
Prise d’un soudain enthousiasme suicidaire et
euphorique, je l’ouvre et cours dans un long couloir noir. Parfois il tourne,
parfois pend au plafond un lustre de cristal, parfois des portes verrouillées
apparaissent. Finalement épuisée après cette longue course, je m’appuie contre un
mur. La silhouette d’une porte s’éclaire sous ma main comme une trainé de
poudre. La découpe devient vide et je tombe dans une spirale noire et blanche.
J’atterrie violement dans une prairie vallonnée. Ma
chute me fait rouler dans l’herbe et je fini par m’arrêter en m’agrippant à des
pâquerettes. Je me relève et regarde aux alentours : juste un paysage
pastoral et d’une harmonie déroutante. Je lève les yeux au ciel et le vois si
paisible. Cela contraste avec les bouts noirs qui trainent toujours dans ma
tête. Quant à mon cœur, il s’est arrêté de saigné. Ses battements sont
irréguliers, violents, semblables aux coups des prisonniers contre les barreaux
de leurs cellules. Quelque chose dans l’herbe s’agite et attire mon regard. Une
grenouille saute vers moi et dépose un trèfle à quatre feuilles à mes pieds. Alors
que je le saisi entre mon pouce et mon index, il disparait pour se dessiner sur
la première phalange de mon annulaire droit. Une porte apparaît de nouveaux
devant moi et m’aspire. Le noir, la mer, le noir, le ciel, le noir, ma chambre.
Puis de nouveau moi, au centre d’une pièce ronde
avec pour seul éclairage un candélabre à neuf branches mais seulement huit
bougies d’allumées. La dernière étant consumée, noyée dans sa cire. Me voila
habillée en fée, immense parmi les autres réapparues dans la chute de bulles de
savon. Mon cœur a retrouvé un rythme quasi normal. Je sens les fils cousus sur ces
douloureuses cicatrices. Pleurant de douleur le noir de mes yeux maquillés, du
sang s’écoule de ma bouche, et de mes narines. Une fois la flaque sanguinaire
ayant bien détrempée mes chaussures, elle se transforme en une multitude de
pétales de rose rouge. Et ce sont eux que je saigne à présent et mes larmes
se font cristal. Les fées s’approchent alors de mon dos et en découpent la peau
en deux ailes. Elles les tirent et la peau arrachée se fait ailes transparentes
comme celle des libellules. Mes saignements floraux et cristallins s’arrêtent.
Des lapins accourent autour de moi, suivis par des biches et des renards. La pièce se met à tourner, paniquée j’aperçois une ouverture qui se fait au plafond. Mes ailes s’agitent sans mon consentement et je décolle vers l’extérieur. Je vole, égarée, au dessus d’une ville, dans un ciel gris-bleu. Il fait froid. Je m’assois sur le rebord d’un toit: voilà l’hiver.
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